Excavatrice - première partie



Développement et évolution de la pelle mécanique
Première partie ; ça tire, l’excavatrice à câble

L'excavatrice ferroviaire
William Smith Otis, originaire du Massachusetts, aux États-Unis, conçut une machine imitant le mouvement d’un homme maniant une pelle en 1835. Elle était construite sur un châssis de wagon et roulait sur des rails. Sur le châssis se trouvaient la chaudière, les moteurs à vapeur, les treuils et la flèche pivotant sur 180 degrés, au milieu de laquelle était monté un bras coulissant muni d’un godet. Une chaine de fort calibre reliait le treuil de levage et le godet en passant par les poulies en tête de flèche. À partir des années 1870, les chaines furent graduellement remplacées par des câbles d’acier. Une chaine d’entrainement reliant la machinerie à un des essieux du wagon permettait à l’excavatrice de se mouvoir sur de courtes distances.

Cette Bucyrus 65 construite en 1903 a été entièrement restaurée en 2012. On distingue bien les stabilisateurs latéraux, qui doivent être déployés manuellement ainsi que la chaine d'entrainement servant au déplacement de la machine.

Ici, on peut voir les deux opérateurs à l'oeuvre.

L’excavatrice opérait sur des sections de voie ferrée temporaires de 4 pieds (environ 1,3m) de longueur. Pour faire avancer l’excavatrice après qu’elle eut ramassé tout ce qui était à sa portée, il suffisait de déboulonner  la section de voie ferrée à l’arrière de la machine et de la boulonner à l’avant, permettant d’avancer de quatre pieds et ainsi poursuivre le travail. Le matériel excavé étant généralement chargé dans des wagons, une seconde voie ferrée devait être installée à côté de l’excavatrice pour permettre leur chargement.

Cette vidéo nous montre le dur boulot effectué par ces machines lors de la construction du canal de Panama et l'étendue de l'infrastructure ferroviaire requise pour l'opération de ce genre d'excavatrice.

Principalement utilisée pour les travaux de construction et d’élargissement de chemins de fer, l’opération d'un excavatrice ferroviaire nécessitait une équipe de trois personnes : un chauffeur, pour s’occuper du feu et veiller à ce que la chaudière produise suffisamment de vapeur, un premier opérateur pour commander le treuil de levage et le pivotement de la flèche et un second opérateur pour commander l’ouverture de la trappe du godet et la coulisse du bras. Un groupe de quatre à sept ouvriers au sol accompagnait l'excavatrice pour dégager la pierre et les gravats qui se retrouvaient hors de portée de la machine et nuisaient à son déplacement en plus de monter et démonter les voies temporaires supportant l’excavatrice. Bien que limitées dans leurs mouvements, ces machines étaient particulièrement robustes, d’où leur popularité. La dernière excavatrice ferroviaire fut fabriquée en 1931.

 Cette excavatrice Marion-Osgood 73 de 1910 roule sur des roues d'acier, elle n'est donc plus limitée par des rails. Notez la chaine reliée au godet.

Rotation sur 360 degrés, l’excavatrice classique
Bien que la flèche de certaines excavatrices ferroviaires puisse décrire un arc de cercle de 240 degrés et que certains manufacturiers offrirent en option d’immenses roues d’aciers ou des chenilles au lieu des boggies et des roues à boudin, ces machines demeuraient peu manœuvrables.

 Un bel exemple d'excavatrice classique : une Erie modèle A se déplaçant sur chenilles, capable de rotations sur 360 degrés et ne requérant qu'un seul opérateur.

Une excavatrice Michigan T6K montée sur camion. Notez l'absence de cabine et de stabilisateurs sur le camion.

La véritable percée apparut en 1884, alors que l’entreprise Whitaker & Sons de Leeds, en Angleterre, développa l’excavatrice capable d’effectuer une rotation sur 360 degrés. L’excavatrice était dès lors capable de charger un wagonnet ou un char stationné derrière elle. C’est maintenant tout le châssis qui pivote (la flèche est fixe), monté sur une table tournante, elle-même supportée par un second châssis muni de roues, et plus tard de chenilles. Le second opérateur fut éventuellement éliminé, ses commandes ayant été déplacées au premier poste d’opération. Les manufacturiers introduisirent le moteur à combustion interne dans les années 1920. Durant la même période, des excavatrices électriques et à air comprimé firent également leur apparition, principalement pour les applications minières. Exit le chauffeur, un seul homme est maintenant requis pour opérer une excavatrice. Ces machines sont rapidement devenues désuètes après l’apparition de la pelle hydraulique dans les années 1940.

Bien que la taille et les technologies sous le capot aient changé, l'allure et l'opération restent les mêmes. Cette excavatrice P&H 4100XPC conçue pour l'exploitation des mines à ciel ouvert fait partie du seul type de pelle à câble encore fabriqué de nos jours. 

Le tractopelle
Aujourd'hui associé à la chargeuse-pelleteuse ou à la chargeuse sur roues, le terme tractopelle désignait à l'origine une pelle mécanique installée sur le châssis d'un tracteur industriel. Ce genre d'excavatrice, dont les mouvements de la flèche sont similaires à ceux de l'excavatrice ferroviaire mentionnée plus haut, connut un certain succès durant les années 1920 et 1930.


Un tractopelle fabriqué par Universal Power Shovel en 1927. Universal Power Shovel fut fondé en 1926 par William Ford, le frère cadet d'Henry Ford. L'entreprise sera rebaptisée Unit Crane & Shovel en 1945. Notez le poste d'opération qui pivote avec la flèche.

Un tractopelle Bear-Cat Junior, fabriqué par Byers Machine Company. Tout le mécanisme de commande de la flèche et du bras est situé sous le poste d'opération, ce qui constitue un miracle d'ingénierie (cliquez ici pour revoir l'extrait)...

Ici, un tractopelle Insley modèle E de 1934. La firme Insley Iron Works d'Indianapolis, aux États-Unis, fut crée en 1905 pour fabriquer des équipements utilisés dans le mélange et la manutention du béton. La première excavatrice Insley fut commercialisée en 1925.

La rétrocaveuse
Les machines décrites précédemment sont des excavatrices à chargement frontal : la machine fait face au terrain à excaver et progresse en avançant. La rétrocaveuse opère à l’inverse de la pelle frontale : son godet est positionné de sorte qu’il doit être ramené vers la machine pour se remplir. Deux treuils sont requis pour opérer le bras du godet : un premier pour amener le godet vers la machine et un autre pour l’éloigner et ainsi le vider.


De par sa taille, cette rétrocaveuse Bucyrus-Erie 15B était une machine parfaite pour les petits entrepreneurs.

Une excavatrice Michigan T6K de 1951 en version rétrocaveuse montée sur camion.

La plupart des fabricants offraient différentes configurations en option sur leurs excavatrices : excavatrice frontale, rétrocaveuse, grue, dragline ou encore pelle écumoire* (voir plus bas). Certaines machines pouvaient même être converties d'un type à l'autre par le client directement sur le chantier. Les manufacturiers, avec les machines pesant entre dix et quinze tonnes, visaient spécifiquement le marché des petits entrepreneurs et des travaux publics. La rétrocaveuse étant plus efficace pour creuser que ramasser du matériel au sol ou le long d’une paroi, elle devint l'appareil de choix pour l'installation d'infrastructures souterraines. La rétrocaveuse à câble est en quelque sorte le lien évolutif entre l’excavatrice à câble classique et l’excavatrice hydraulique moderne.

Certaines rétrocaveuses à câble pouvaient atteindre une taille respectable, comme cette Northwest Engineering 80-D.

La pelle écumoire*
La variante la moins répandue des excavatrices à câble, la pelle écumoire, possède une flèche servant de rail-guide au godet. La flèche est abaissée jusqu’à ce que le godet touche le sol. Le godet est ensuite treuillé jusqu’à l’extrémité de la flèche. Une trappe permet de vider le contenu du godet.

 
La popularité plus faible de la pelle écumoire est sans doute en lien avec sa versatilité limitée. Ici, un spécimen construit par Keystone Driller Company en 1926.

On voit ici un extrait d'un documentaire australien tourné en 1928 sur la construction de la Great Northern Highway entre Hornsby et Hawkesbury River en Nouvelle-Galles du Sud. On y voit une pelle écumoire Byers Bear-Cat modèle 26-R (cliquez ici pour revoir l'extrait).

La pelle écumoire opère à l’inverse de la dragline : le godet racle le sol en s’éloignant de la machine.

La pelle déblayeuse*
On peut considérer la pelle déblayeuse comme la grande sœur de l’excavatrice classique. Elle en a l’allure et les fonctions mais dans des proportions beaucoup, beaucoup plus grandes. Toutes électriques, les plus grandes machines du genre pesaient près de 15 000 tonnes, avec un godet d’une capacité de 180 verges cubes (137,6m³) surmonté d’une flèche de 215 pieds (65,5m).


L'unique fonction des pelles déblayeuses était de préparer le terrain à l'extraction du charbon. Notez que le bras du godet n'est pas monté sur la flèche, mais à une structure indépendante mobile, permettant de déplacer le pivot vers l'avant ou l'arrière de l'excavatrice, faisant ainsi varier l'angle d'attaque du godet.

Cette Bucyrus-Erie 1950-B a été construite en 1965, pèse 7000 tonnes et son godet a une capacité de 105 verges cubes (80m³). On peut constater le gigantisme de la machine en voyant les ouvriers au sol près du godet. Les câbles qui soulèvent le godet ont un diamètre de 4 pouces (environ 10cm).

Leur fonction était de retirer la couche de sol qui recouvrait les veines de charbons dans les exploitations à ciel ouvert. Les déblayeuses ont connu leur heure de gloire durant les années 1950 et 1960, avant d’être supplantées par les draglines marcheuses, plus polyvalentes.

Lisez la suite :
Développement et évolution de la pelle mécanique
Deuxième partie ; ça pousse, l’excavatrice hydraulique

* Ne trouvant pas d'équivalent français, j'ai traduis librement les termes skimmer shovel en pelle écumoire et stripping shovel en pelle déblayeuse. Si un lecteur de ce blogue connaît des termes plus appropriés, je l'invite cordialement à m'en faire part.



Dernière mise à jour : 12 novembre 2019

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