Chargeuse - deuxième partie

Développement et évolution de la chargeuse
Deuxième partie ; la chargeuse sur roues

Premières ébauches
À l'instar des chargeuses chenillées, les chargeuses sur roues étaient à l'origine un accessoire ajouté à des tracteurs agricoles. Développées durant les années 1920, ces machines étaient aussi opérées par câbles à l'aide de treuils.

E. Boydell & Company fut l'un des premiers fabricants de chargeuses sur roues lorsqu'il commercialisa la chargeuse Muir-Hill en 1929. On voit ici un modèle de 1951. 

Un tracteur Case SI équipé d'une chargeuse Hough. Ce modèle fut spécialement fabriqué au début des années 1940 pour être aéroporté et participer à l'effort de guerre. Notez le mât vertical devant le radiateur, une caractéristique des premières chargeuses hydrauliques Hough. Le relâchement d'un loquet fait basculer le godet.

Hough développa le premier modèle de Payloader, le HS, en 1939. Équipé d'un mât similaire à celui de la Case SI montré plus haut, c'était l'une des premières chargeuses sur roues intégrées. Ici, une brochure du modèle HL-A / HLD-A, sur laquelle le mât vertical est remplacé par deux vérins hydrauliques supportant les deux longerons de la flèche. Notez la tige sur le longeron droit de la flèche, servant à relâcher le loquet du godet. De par sa popularité, le nom Payloader devint rapidement un synonyme de chargeuse sur roues, toutes marques confondues.

Les premières chargeuses intégrées
Toutes ces machines utilisaient la gravité pour abaisser la flèche et remettre le godet en position de chargement. Cette particularité limitait leur utilisation au chargement de matériel préalablement ameubli. La percée vint en 1946 lorsque la firme Tractomotive Corporation développa la première chargeuse sur laquelle tous les mouvements utilisaient la force hydraulique. La chargeuse devint alors un engin capable d'excaver le sol.

Tractomotive fut achetée par Allis-Chalmers (A-C) en 1959. Le modèle TL10, comme celui-ci, fut l'une des premières chargeuses sur roues intégrées offertes par A-C. Elle fut produite de 1951 à 1964.

Très tôt, Hough établit une relation privilégiée avec International Harvester pour la fabrication de machines intégrées. Le modèle HE, comme la chargeuse ci-dessus, fut introduit en 1949. Notez les protecteurs sous la flèche, destinés à prévenir les risques de blessure aux bras lorsque la flèche s'abaisse...

Le modèle H10 fut commercialisé par Volvo en 1954. La chargeuse était conçue autour d'un tracteur Bolinder-Munktell dont le poste de conduite est inversé. Notez la porte située à l'avant de la cabine.

Introduite en 1948, la chargeuse Hough HM, comme celle-ci, était la première machine du genre à quatre roues motrices. Les chargeuses à quatre roues motrices, de loin supérieures aux versions à deux roues motrices, dominèrent rapidement le marché. Hough fut acquise par International Harvester en 1952.

La configuration de la cabine située entre les longerons de la flèche, alors adoptée par tous les fabricants de chargeuses sur roues, représente un risque élevé de blessure aux bras pour l'opérateur et obstrue son champ de vision lorsque le godet est en position haute. Hough, avec le modèle HO, fut l'un des premiers à déplacer le point de pivot de la flèche devant la cabine.

Clark Equipment Company acquit la Michigan Power Shovel Company en 1953. Clark utilisa le nom Michigan pour sa nouvelle division d'engins de chantiers. Les chargeuses sur roues furent introduites en 1954. Ici, une chargeuse Michigan 75A.

Une chargeuse Hough H30. Notez le pivot de la flèche devant l'opérateur, dégageant son champ de vision et réduisant les risques d'accidents. 

Caterpillar fit son entrée sur le marché de la chargeuse sur roues en 1959 avec le modèle 944. Le nom Traxcavator, en référence à l'ainé chenillé de la machine, fut retiré des chargeuses sur roues dès 1960. On voit ici une vidéo promotionnelle produite par Caterpillar pour venter les mérites du modèle 944.

Letourneau-Westinghouse, qui fut rebaptisée Westinghouse Air Brake Company (WABCo) en 1962, conçut quelques modèles de chargeuses à châssis rigide durant les années 1950. Leur succès fut limité. On voit ici une chargeuse LW300. Les mélomanes reconnaîtront le chant du moteur Detroit Diesel sous le capot.

La chargeuse articulée
La firme américaine Mixermobile Manufacturers Incorporated, de Portland en Oregon, fut la première à commercialiser une chargeuse articulée : la Scoopmobile modèle LD-5 en 1953. Le concept du châssis articulé mit plusieurs années avant d'être accepté, certains manufacturiers persistèrent à concevoir des machines à châssis rigide jusqu'au début des années 1970.

Les premières chargeuses Scoopmobile fabriquées par Mixermobile virent le jour vers la fin des années 1930. Elles avaient la particularité de n'avoir que trois roues et de pouvoir être remorquées par un camion. Notez les couvercles en forme de cloche par-dessus le moyeu des roues avant. Ils permettent de retirer les satellites du train épicycloïdal, désengageant ainsi les roues des essieux lorsque la machine est remorquée.

Cette chargeuse Scoopmobile LD-7A est une descendante directe du modèle LD-5 introduit par Mixermobile en 1953. Les chargeuses Scoopmobile ne parvinrent jamais à obtenir une part significative du marché de la chargeuse sur roues. Scoopmobile fut finalement acquise par WABCo en 1968.

Avec l'introduction du L-20 en 1959, Euclid fut l'un des premiers fabricants à offrir des chargeuses articulées. Le modèle L-30, le grand frère du L-20, fut introduit en 1961. Il fut rebaptisé le 72-40 (comme celui ci-dessus) en 1966.

La position de l'opérateur sur les chargeuses articulées fut, pendant longtemps, sujet à débat. Certains manufacturiers affirmaient qu'il était préférable d'installer l'opérateur à l'avant de la machine, afin qu'il ait une meilleure vue sur la zone de travail et le godet. D'autres, préféraient l'installer à l'arrière, lui permettant de savoir instantanément la position de l'arrière de la machine par rapport à l'avant et l'éloignant d'éventuelles chutes de matériaux provenant du godet. La position de l'opérateur à l'arrière fait aujourd'hui consensus.

Une chargeuse Case W24. Case fut un des partisans de la cabine à l'avant, comme sur la chargeuse de la vidéo ci-dessus.


À partir de 1968, Michigan offrit les quatre roues directrices en option sur certains modèles de chargeuses à châssis rigide. Ici, une chargeuse 35A.

La firme Pettibone-Mulliken demeura une adepte du châssis rigide jusqu'à la fin. À preuve, cette chargeuse PM-285 de 1970... Notez comment la flèche et la tringlerie pour le cavage du godet ressemblent à celles de la Caterpillar 944A montrée plus haut.

Pettibone délaissera finalement la chargeuse conventionnelle pour se concentrer sur la chargeuse pivotante : la base de la flèche est supportée par un roulement de pivotement, lui permettant de pivoter de chaque côté de la machine. Particulièrement utile lorsque la chargeuse doit opérer dans des endroits exigus, cette caractéristique, lorsqu'on y ajoute un système railroute, rend la machine très populaire auprès des chemins de fer. Ci-dessus, une chargeuse pivotante Pettibone 441B de 1975.


Des machines de plus en plus grosses
Au début des années 1960, les plus grosses chargeuses disponibles avaient un godet d'une capacité de six verges cubes (environ 4,6 mètres cubes), mais les entrepreneurs et exploitants miniers désiraient des chargeuses beaucoup, beaucoup plus grosses.

 Caterpillar commercialisa le modèle 992 en 1968. Avec un godet d'une capacité de 10 verges cubes (environ 7,65 mètres cubes) et un moteur diesel D348 à 12 cylindres en «V» d'une puissance de 550 chevaux vapeur, c'était la plus grosse machine offerte par Caterpillar.

On voit ici une vidéo promotionnelle réalisée par Clark pour faire la promotion du Michigan modèle 675, introduit en 1973. Avec un godet d'une capacité de 24 verges cubes (18,35 mètres cubes) et possédant deux moteurs diesel Cummins d'une puissance combinée de 1270 chevaux vapeur, elle battit le record de la plus grosse chargeuse. Seulement 14 machines furent assemblées avant que le modèle ne soit retiré du catalogue en 1976.

Frank G. Hough vendit son entreprise à International Harvester (IH) en 1952. Dresser acquit la division d'engins de chantier d'IH en 1982. Dresser conclut ensuite un partenariat avec Komatsu en 1988, pour créer Komatsu Dresser Company (Komdressco). Komatsu racheta les parts de Dresser en 1994. Les chargeuses aujourd'hui fabriquées par Komatsu sont en quelque sorte les descendantes des machines fabriquées par Frank G. Hough. On voit ici une chargeuse Komatsu WA1200-6, équipée d'un godet de 26 verges cubes (19,88 mètres cubes) et d'un moteur Komatsu SSDA16V160E-2 d'une puissance de 1765 chevaux vapeur.

Après avoir vendu son entreprise à Westinghouse en 1953, Robert G. Letourneau dû attendre cinq ans avant de pouvoir recommencer à fabriquer et vendre des engins de chantier. Durant l'intermission, il développa son système de propulsion électrique destiné aux engins de chantier. Toutes les fonctions de ses nouvelles créations furent dès lors électriques. On voit ici une chargeuse SL-30, introduite en 1964. La propulsion, le pivot central, la flèche et le godet sont entrainés par des moteurs électriques. Letourneau a toujours détesté les systèmes hydrauliques. Notez les crémaillères reliées aux moteurs électriques et les 2 groupes électrogènes servant de contrepoids, à l'arrière de la machine. 

 Robert Letourneau s'étant toujours farouchement opposé aux systèmes hydrauliques, ce n'est qu'après qu'il eut quitté ses fonctions de président, en 1966, que l'entreprise débuta le développement d'une nouvelle gamme de chargeuses sur roues. À l'exception de la propulsion électrique, ces machines n'avaient rien en commun avec celle construites jusque là. On voit ici une chargeuse Letourneau L-1850, équipée d'un godet de 33 verges cubes (25,23 mètres cubes) et d'un moteur Cummins QSK60 développant 1850 chevaux vapeur.

Letourneau Inc fut achetée par Marathon Manufacturing Company en 1970, qui la vendit à son tour à Rowan Companies en 1986. Letourneau fut ensuite acquise par Joy Global en 2011. La chargeuse Letourneau L-2350 fut alors rebaptisée la P&H L-2350. Komatsu fit l'acquisition de Joy Global en 2017. Lors de l'écriture de ces lignes, c'est le modèle L-2350 qui détient le record de la plus grosse chargeuse sur roues. Le godet standard pour ces machines a une capacité de 53 verges cubes (40,52 mètres cubes), mais celle-ci possède un godet surdimensionné de 70 verges cubes (53,52 mètres cubes) monté au bout d'une flèche à portée étendue.

Toutes les machines fabriquées par Liebherr utilisent une transmission hydrostatique. Cette chargeuse L586 n'y fait pas exception. Ce modèle peut avoir un godet de 11,12 verges cubes (8,5 mètres cubes) et possède un moteur développant 358 chevaux vapeur.

Clark acquit la marque Euclid en 1984. En 1985, Clark format VME (Volvo, Michigan, Euclid), un partenariat à parts égales avec Volvo. Volvo acquit les parts de Clark en 1995 et VME fut rebaptisé Volvo Contstruction Equipment Group. On voit ici une chargeuse Volvo L350H. Avec une capacité de godet pouvant atteindre 16,6 verges cubes (12,7 mètres cubes) et un moteur diesel Volvo D16 d'une puissance de 540 chevaux vapeur, c'est la plus grosse machine offerte par le fabricant suédois.

Ici, une chargeuse Caterpillar 994F à l'œuvre. La capacité du godet peut atteindre 24,9 verges cubes (19 mètres cubes) et la machine est propulsée par un moteur Caterpillar 3516B développant 1577 chevaux vapeur, couplé à une transmission à train épicycloïdale à 3 rapports.

La chargeuse au vingt-et-unième siècle
L'excavatrice à câble qui, depuis plus d'un siècle, était le principal outil pour charger terre, pierre et minerais, tomba en désuétude avec le développement et le perfectionnement d'abord de la chargeuse chenillée, puis de la chargeuse sur roues. La chargeuse sur roues, en particulier, a l'avantage de pouvoir se déplacer d'elle-même sur de moyennes distances, sans l'aide d'un fardier. Cette faculté en fait une pièce d'équipement particulièrement utile pour les exploitations minières, les grands chantiers ou les services des travaux publics où elle peut accomplir maintes petites tâches distantes les unes des autres.

Tout comme l'excavatrice hydraulique, le godet de la chargeuse peut être remplacé par une panoplie d'outils lui permettant de charger d'autres types de matériels ou d'accomplir d'autres tâches. Une nouvelle catégorie de chargeuses sur roues, les porte-outils intégrés, vit le jour durant les années 1980. Sur les chargeuses classiques, l'angle du godet varie légèrement lorsque la flèche s'élève afin d'éviter les pertes accidentelles de matériel. Les portes outils intégrés sont conçus pour conserver l'angle de l'outil par rapport au sol et ce, peu importe la position de la flèche. Ces machines sont aussi équipées de système d'attaches rapides permettant de changer d'outils facilement sans quitter la cabine.

Un bel exemple de porte-outils intégré, une IT28F fabriquée par Caterpillar. Notez la géométrie de la flèche et de la tringlerie pour le cavage du godet, différentes de celles des machines montrées précédemment.

 Grâce à sa polyvalence et sa rapidité de déplacement, la chargeuse sur roues est devenue un outil incontournable, que ce soit sur les chantiers ou à la mine. Il existe d'ailleurs des machines de presque toutes les tailles, d'un poids allant de 5 à 260 tonnes.



Revoyez la première partie de cette article :
Développement et évolution de la chargeuse
Première partie ; la chargeuse chenillée


Bibliographie
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Dernière mise à jour : 27 avril 2021

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