Finisseur - deuxième partie

Développement et évolution du finisseur
Deuxième partie ; le finisseur à asphalte


Les routes en asphalte
L'utilisation de l'asphalte, aussi appelé béton bitumé, comme revêtement des routes s'est répandue durant les années 1920. Le bitume, servant ici de liant, est mélangé avec du gravier qui, une fois compacté, donne une surface semi-élastique. À l'origine, on pulvérisait le bitume directement sur la fondation de la chaussée pour ensuite le recouvrir d'une couche de gravier. La route ainsi obtenue était peu coûteuse mais avait une courte durée de vie si la charge du trafic était importante.

Cet extrait d'une vidéo promotionnelle de la firme L.B. Littleford datant du milieu des années 1940 nous montre l'épandage du bitume et du gravier sur la fondation de la chaussée. On y voit ensuite une niveleuse mélanger le bitume avec le gravier et ensuite épandre l'asphalte avant le passage des rouleaux compresseurs (cliquez ici pour revoir l'extrait).

On réalisa rapidement qu'en incorporant le bitume au gravier avant d'épandre le mélange, on obtenait un revêtement plus homogène et une chaussée plus durable. Le problème était l'épandage de l'asphalte ; aucune machine ne donnait de résultats satisfaisants. Les finisseurs alors utilisés pour les chaussées de béton ne convenaient pas à la pose de revêtements d'asphalte. De nouvelles façons de faire devaient être trouvées.

Cet extrait d'un film documentaire de 1947, tourné en Nouvelle-Galles du Sud, nous montre le recyclage d'une route. On y voit d'abord comment de la chaux est mélangée à l'aide de niveleuses au gravier qui formera la fondation de la route. Le terme chaussée est d'ailleurs issu de cette technique qui remonte au moyen âge, où de la chaux était ajoutée au gravier pour donner un revêtement solide. Une citerne est ensuite employée pour épandre le bitume sur un lit de gravier. Les niveleuses sont ensuite utilisées pour mélanger le bitume au gravier. Le principal inconvénient de cette méthode est le manque d'homogénéité de l'asphalte (cliquez ici pour revoir l'extrait).

Le premier finisseur à asphalte
Dès 1929, la firme américaine Barber-Greene Company d'Aurora, dans l'Illinois, se mit en quête de trouver une meilleure façon d'appliquer le revêtement de bitume des routes. Barber-Greene, alors un fabricant d'élévateurs à godets et de convoyeurs fut approché par le Chicago Asphalt Testing Laboratory dans le but d'adapter un élévateur à godets afin d'améliorer les routes de graviers dans le but de les asphalter. L'idée ne fut pas concluante mais permit d'introduire Barber-Greene à l'industrie du bitume.

On voit ici un extrait d'un film de 1969 dans lequel on aperçoit un élévateur à godets Barber-Greene 543. L'élévateur à godets est utilisé pour enduire du gravier de goudron (notez le baril de goudron installé à l'avant de la machine). Avec cette méthode, il est difficile de contrôler avec précision le dosage entre le goudron et le gravier. L'asphalte ainsi obtenue est alors de qualité variable (cliquez ici pour revoir l'extrait). 

Le nécessité de trouver une meilleure technique d'épandage de l'asphalte fit tout de même son chemin dans la tête d'Harry Barber, un des cofondateurs de Barber-Greene. En 1930, Barber fit le croquis d'une machine qui allait révolutionner la construction des routes bitumées. La machine qui fut baptisée le Travel Plant (usine mobile), était composée de deux sections : un malaxeur, qui fabriquait l'asphalte en mélangeant le bitume et le gravier et une table d'épandage, remorquée par le malaxeur et roulant sur des coffrages préalablement installés de chaque côtés de la route. Contrairement aux bétonnières dédiées à la construction de routes qui doivent alterner entre les cycles de chargement, de mélange et de déchargement, le Travel Plant opérait de façon continue : un élévateur à godet chargeait sans interruption le gravier disposé en andain devant l'engin. Le grand avantage du Travel Plant était le dosage précis des ingrédients de l'asphalte lors du mélange, chose impossible lorsque le mélange est fait directement sur la fondation de la route. Le Travel Plant fut utilisé avec succès en 1931, la chaussée ainsi obtenue était de loin supérieure aux chaussées où le bitume était mélangé à l'aide de niveleuses. Très vite, Harry Barber réalisa qu'il était plus avantageux de séparer la fabrication et l'épandage de l'asphalte.


Une publicité présentant le finisseur 879-A de Barber-Greene. Fondée par Harry H. Barber et William B. Greene en 1916, Barber-Greene Company fabriquait à l'origine des convoyeurs et des élévateurs à godets afin de mécaniser de façon économique des tâches jusqu'alors effectuées à la main. Le finisseur 879-A, tout comme le modèle 879, avaient déjà l'allure des finisseurs modernes.

L'usine d'asphalte fut alors installée sur une remorque qui pouvait être stationnée près de la route à paver. Les coffrages, idée empruntée à la finition des routes de béton, furent abandonnés au même moment. Harry Barber était convaincu de la supériorité de la chaussée d'asphalte et était déterminé à concevoir une machine capable d'épandre le matériel de façon efficace afin d'obtenir un pavage de qualité. Les premiers finisseurs qu'il conçut après l'introduction du Travel Plant avaient une table installée de façon rigide sur le tracteur. Cette configuration a l'inconvénient de transmettre tous les mouvements du tracteur à la table, créant ainsi des défauts dans le revêtement. Barber-Greene développa la table flottante en 1933. La table flottante est reliée au tracteur par deux longerons latéraux, son poids repose sur la fondation de la chaussée et n'est donc pas porté par le tracteur. Le modèle 79 de Barber-Greene, le premier finisseur dédié exclusivement à l'épandage de l'asphalte, vit le jour en 1934. Il utilisait un convoyeur pour amener l'asphalte de la trémie, située à l'avant de la machine, jusqu'à la table, située à l'arrière. Des vis sans fin étaient utilisées pour épandre le matériel sur toute la largeur de la table. Des barres dameuses compactait le matériel pendant que le finisseur avançait. La table flottante et les barres dameuses étaient les innovations manquantes à l'obtention d'une bonne qualité de revêtement. Ces caractéristiques sont toujours employées sur les finisseurs modernes. Le modèle 879 succéda au modèle 79 en 1936. Barber-Greene perfectionna le modèle 879 et le remplaça par le modèle 879-A en 1940. Avec le 879-A, Barber-Greene dominera le marché des finisseurs à asphalte jusqu'au milieu des années 1950.

On voit ici un extrait d'un film de 1958 portant sur la construction de l'aéroport de Nairobi au Kenya. On y voit un finisseur Barber-Greene, possiblement un modèle 879-A (cliquez ici pour revoir l'extrait).

Cette vidéo du fabricant allemand Vögele explique le fonctionnement des barres dameuses sur la table d'un finisseur. Notez comment la fréquence et l'amplitude du mouvement des barres dameuses peuvent être ajustées. Fondée en 1836 par Joseph Vögele, un forgeron de Mannheim en Allemagne, la firme se spécialisait à l'origine dans la fabrication d'appareillage de voies ferrées pour la construction du chemin de fer allemand. En 1925, l'entreprise commença à s'intéresser à la construction des routes avec la fabrication de finisseurs à béton, de finisseurs à asphalte et de rouleaux compresseurs. Vögele deviendra une filiale du Groupe Wirtgen en 1996 (cliquez ici pour revoir l'extrait).

Certains finisseurs utilisent une table vibrante au lieu des barres dameuses. On appelle alors parfois ces machines des vibrofinisseurs. Dans cet extrait d'un film de 1962 réalisé par le Fond du Lac Highway Department dans l'état du Wisconsin aux États-Unis, on aperçoit un finisseur VIBROMatic fabriqué par la firme Pioneer (cliquez ici pour revoir l'extrait).

Évolution technologique
À peu près inchangés depuis leur apparition, les finisseurs à asphalte se modernisèrent durant les années 1980. Les boîtes de vitesses mécaniques ainsi que les chaînes et barbotins qui transmettaient la puissance du moteur aux roues ou aux chenilles furent remplacées par des transmissions hydrostatiques : une pompe hydraulique à débit variable est entraînée par le moteur à combustion interne et l'huile ainsi pompée est transmise à des moteurs hydrostatiques qui entraînent à leur tour les roues.

Cette vidéo en accéléré nous montre l'assemblage d'un finisseur du fabricant américain Roadtec à l'usine de Chattanooga au Tennessee. 

Les valves hydrauliques à leviers commandant les différentes fonctions du finisseurs furent remplacées par des électrovalves : l'opérateur appuie maintenant sur des boutons poussoirs. Des systèmes de ventilation, installées afin d'aspirer les vapeurs du bitume et les évacuer à l'écart des ouvriers équipent maintenant la plupart des finisseurs.

Un finisseur Blaw-Knox PF-500. Blaw-Knox Company est née en 1917 de la fusion de la Blaw Collapsible Steel Centering Company (coffrages d'acier pour le moulage de tubes en béton pour les égouts et tunnels) avec la Knox Pressed and Welded Steel Company (acier pour applications à haute température). La firme ajouta la fabrication d'antennes radio à son catalogue en 1927. Avec l'acquisition de la A.W. French & Company en 1929, Blaw-Knox mit la main sur les finisseurs à béton Ord. Blaw-Knox fit évoluer la ligne de finisseurs Ord jusqu'à créer un finisseur à asphalte roulant sur des coffrages.

Ici, la démonstration d'un finisseur Blaw-Knox PF-115 de 1981. En 1954, Blaw-Knox fut le premier manufacturier à offrir des finisseurs montés sur roues plutôt que sur chenilles. Blaw-Knox fut acquise par White Consolidated Industries (WCI) en 1968. Blaw-Knox passera aux mains de Clark Equipment Company en 1994 et d'Ingersoll-Rand en 1995. Le fabricant suédois Volvo acquerra finalement Blaw-Knox en 2007.

Blaw-Knox fut également le premier fabricant à commercialiser un finisseur dédié au pavage de l'accotement des routes en 1943. Ici, on aperçoit un finisseur RW-195D à l'œuvre. Afin de faciliter l'évacuation des eaux de pluie, l'accotement d'une route est généralement plus bas que son centre. En utilisant un finisseur comme celui ci-dessus, on réduit les risques de renversement des camions-bennes et d'affaissement de l'accotement.

Un finisseur HA60W fabriqué par Sumitomo Heavy Industries. Fondé en 1888 en tant qu'entreprise d'entretien et de réparation d'équipements miniers, la firme japonaise est incorporée en 1934 en tant que Sumitomo Machinery Company pour produire de l'équipement pour le transport et l'industrie sidérurgique. En 1969, Sumitomo Machinery Company fusionne avec Uraga Heavy Industries Company pour créer Sumitomo Heavy Industries.

Un finisseur Bitelli BB670 en action. Beppino Bitelli, un entrepreneur de Bologne, en Italie, commença à fabriquer des rouleaux compresseurs en 1933. Ce n'est qu'en 1957 que la firme Bitelli fut officiellement créée. Les finisseurs furent ajoutés au catalogue en 1978 et les fraiseuses de chaussées et les stabilisateurs de sols durant les années 1980. Bitelli fut vendue à Caterpillar en 2000.

Chauffage de la table
Pour éviter que l'asphalte ne colle aux parois de la table, ces dernières doivent être chauffées, évitant ainsi que le matériel ne refroidisse et s'agglutine, risquant de créer des blocages ou des défauts dans le revêtement. Des brûleurs à l'huile étaient utilisés sur les premiers finisseurs. Les finisseurs de petite taille utilisaient parfois des brûleurs au gaz propane. Les brûleurs sont économiques mais dégagent de la fumée parfois nocive pour les ouvriers et ont le désavantage de concentrer la chaleur près des flammes. Les éléments chauffants électriques, alimentés par un alternateur entraîné par le moteur à combustion interne, produisent une chaleur plus uniforme et ne dégagent aucune fumée. À partir du milieu des années 1990, la plupart des fabricants avaient adopté le chauffage électrique de la table.

Cette vidéo du fabricant Vögele fait la promotion du modèle Super 1803-2. Notez la table extensible et la console de commande à boutons poussoirs. Vögele adopta les éléments chauffants électriques pour réchauffer la table de tout ses finisseurs dès 1952.

Configurations de la table
Les tracteurs, qu'ils soient à roues ou à chenilles, fonctionnent tous de la même façon et accomplissent les mêmes tâches, soit recevoir l'asphalte, la diriger vers l'arrière dans un flot contrôlé et tirer la table. Les tables, quoique similaires visuellement, se distinguent par leur configuration. Il existe trois type de tables : la table à largeur fixe, la table télescopique avec extensions en amont et la table télescopique avec extensions en aval.

La table à largeur fixe est celle dont la construction est la plus simple. Elle ne possède aucune extension et ne peut couvrir que sa largeur. C'est le moins populaire des trois types.

La table télescopique à extensions en amont, comme son nom l'indique, possède des extensions qui sont situées devant la section centrale de la table. C'est le type le plus simple à manier et le plus pratique lorsqu'il y a des obstacles à contourner et que la largeur de la table doit être fréquemment modifiée. Lorsque les extensions sont rétractées, le matériel est simplement dirigé vers la partie centrale de la table.

Un finisseur Roadtec RP190E de 2016. La machine est équipée d'une table télescopique avec extensions en amont, notez que les extensions sont situées devant la section centrale de la table (0:39).

La table télescopique à extensions en aval, quant à elle, possède des extensions qui sont situées derrière la section centrale de la table. C'est le type qui offre la plus belle finition mais doit être manié avec soins : l'alimentation d'asphalte doit être arrêté avant que les extensions ne soient rétractées, sans quoi le matériel contenu dans l'extension n'aura nulle part où aller et risque de se coincer entre l'extension et la partie centrale de la table, ce qui peut faire tordre les plaques latérales de l'extension.

Ce finisseur Cedarapids CR461 possède une table télescopique avec extensions en aval, notez que les extensions sont ici situées derrière la section centrale de la table (0:54). Cette vidéo montre aussi l'opération des vannes qui régulent le débit d'asphalte au fond de la trémie (0:15). Howard Hall, un homme d'affaire de Cedar Rapids en Iowa aux États-Unis, acquit la Bertschey Engineering Company en 1923. Il renomma l'entreprise l'Iowa Manufacturing Company. À l'époque, la firme se spécialisait dans la fabrication de concasseurs et de tamiseurs pour le traitement des agrégats. La marque de commerce Cedarapids fut employée dès les années 1930. Le premier finisseur Cedarapids fut introduit en 1956. En 1985, la compagnie fut rebaptisée Cedarapids Inc. Cedarapids fut acquise par Terex Corporation en 1999. Terex vendit les marques Cederapids et CMI à BOMAG, propriété du Groupe Fayat, en 2013.

 Cette vidéo explicative de Caterpillar tournée en 2018, montre les différents ajustements de la table requis avant la mise en opération du finisseur, de quoi donner le tournis aux non-initiés... Barber-Greene fut acquise par Astec Industries en 1986. Caterpillar se portera ensuite acquéreur de Barber-Greene en 1991.

Les extensions de la table ne représente qu'une partie du mécanisme complexe qui s'y trouve. Dès les années 1930, Harry Barber comprit que pour obtenir un revêtement lisse et durable, l'asphalte doit subir une pré-compaction lors de sa mise en place. C'est pourquoi les tables des finisseurs sont équipées de barre dameuses ou de vibrateurs. Certaines tables utilisent les deux systèmes. Cette pré-compaction, visant à chasser l'air du matériel et augmenter sa densité peut atteindre jusqu'à 85% de la compaction totale du revêtement. Les rouleaux compresseurs et rouleaux compacteurs qui suivent le finisseur ne font en réalité qu'environ 15% du travail de compaction.

Cette vidéo promotionnelle du fabricant suédois Volvo vente les mérites de la série C, introduite en 2014. Notez l'option des quatre ou six roues motrices, rendue possible grâce à l'utilisation d'une transmission hydrostatique.


Lisez la suite :
Développement et évolution du finisseur
Troisième partie ; Les défauts du revêtement et les véhicules de transfert de matériau

Relisez la première partie :
Développement et évolution du finisseur
Première partie ; Le finisseur à béton




Dernière mise à jour : 3 mai 2021

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