Chargeuse - première partie

Développement et évolution de la chargeuse
Première partie ; la chargeuse chenillée

Premières ébauches
Les premières chargeuses n'étaient pas des engins intégrés, mais plutôt un accessoire ajouté à un tracteur chenillé. Leur conception était d'ailleurs très rudimentaire. Sur les premiers modèles de chargeuses, un treuil levait la flèche jusqu'à ce qu'elle passe au-dessus du tracteur pour vider le godet. Vint ensuite des versions d'allure similaire aux machines contemporaines mais opérées par un système de manœuvre à câble. Le treuil, entrainé par la prise de force du tracteur, servait au levage de la flèche. La gravité se chargeait de faire basculer le godet après le relâchement d'un loquet. L'opérateur devait ensuite abaisser la flèche au sol pour verrouiller le godet en position de chargement.


Un tracteur Cletrac BGS/Sargent équipé d'une chargeuse Overhead fabriquée par Maine Steel Inc. Avec ce système, le godet chargé doit passer au-dessus du tracteur pour vider son contenu. Le tracteur opère en ligne droite entre le matériel à ramasser et le camion à charger, réduisant l'usure des chenilles. Notez comment l'opérateur doit compter sur l'inertie du mouvement pour éviter que le matériel ne tombe sur la structure de protection du tracteur.

Un système similaire, installé sur un tracteur Allis-Chalmers, possiblement un HD7 ou un HD10. Notez la vision limitée de l'opérateur et la roue pour empêcher le tracteur de basculer.

Cette vidéo du début des années 1950, porte sur la construction du barrage hydroélectrique de Melones en Californie. Elle contient un court extrait montrant une chargeuse fabriquée par Eastern Iron and Machinery Company (EIMCo), possiblement un modèle 105. Sur ces machines, l'opérateur est situé à l'avant (à gauche, sur la vidéo) et le moteur à l'arrière. Spécialisé dans la conception et la fabrication d'équipements miniers sous-terrains, EIMCo commercialisa des bouteurs et des chargeuses chenillées de 1952 à 1965. Les bouteurs et chargeuses EIMCo possédaient deux servotransmissions Allison, toutes deux entrainées par le moteur diesel du tracteur permettant de contrôler chacune des chenilles de façon indépendante. Cette particularité rendait les machines EIMCo très  maniables. Cliquez ici pour revoir l'extrait.

La chargeuse hydraulique
Frank G. Hough fut embauché comme ingénieur pour la Blair Manufacturing durant les années 1920.  Blair Manufacturing fabriquait des attachements de chariots élévateurs et de chargeuses pour installer à l'avant de tracteurs. Hough acheta l'entreprise en 1931 et la renomma la Frank G. Hough Company. Il se mit alors à développer et perfectionner les chargeuses hydrauliques fabriquées par Blair. Ses premières créations étaient rudimentaires : elles utilisaient une structure similaire au mât d'un chariot élévateur pour lever la flèche et utilisaient la gravité pour vider le godet. Cliquez ici pour voir un spécimen de 1942 installé sur un tracteur Allis-Chalmers. Ce n'est qu'après la seconde Guerre mondiale que les systèmes hydrauliques évoluèrent suffisamment pour remplacer les systèmes à câble pour de bon. En 1946 Tractomotive, avec l'ingénieur Van Dobeus à sa tête, commercialisa la première chargeuse dont toutes les fonctions, y compris le cavage du godet, utilisaient des vérins hydrauliques double action. Avec cette nouvelle génération de systèmes hydrauliques, la force peut être appliquée dans tous les mouvements de la flèche ou du godet. L'opérateur n'avait donc plus à compter sur la gravité et l'élan de la machine lors du remplissage du godet. Il était dès lors possible de transférer le poids du tracteur au godet pour augmenter la pénétration dans le sol. Ces machines ont connu leur heure de gloire durant les années 1960. Le perfectionnement de l'excavatrice hydraulique et de la chargeuse sur roues ont finalement déclassé la chargeuse chenillée comme engin de choix sur les chantiers.

La firme Trackson, fondée en 1922, fournissait des accessoires pour les tracteurs Caterpillar dès 1936. Elle introduisit un système de chargeuse à levage vertical, baptisé le Traxcavator, en 1937. On voit ici une chargeuse Traxcavator T2 installée sur un tracteur Caterpillar D2. Notez comment le mécanisme limite le champ de vision de l'opérateur et élève le centre de gravité de la machine.

Les premiers modèles de chargeuses conçus par Bucyrus Erie utilisaient la gravité pour faire basculer le godet. On voit ici un extrait d'une vidéo promotionnelle produite par International Harvester, montrant la version améliorée entièrement hydraulique, installée sur un tracteur International Harvester TD-9, introduite en 1951. On y voit ensuite un TD-6 équipé d'une lame de bouteur. Notez le système de coulisse sur le mécanisme de cavage du godet. Les chargeuses Bucyrus Erie ont toujours été beaucoup moins populaires que celles fabriquées par Drott. Cliquez ici pour revoir l'extrait.

En 1950, Trackson fit la transition de la commande à câble vers la commande  hydraulique. Le résultat fut la chargeuse HT4, installée sur un tracteur Caterpillar D4 modifié. Caterpillar apprécia le résultat et acquit Trackson en 1951. On voit ici une chargeuse Caterpillar HT4, plus simple à opérer que la Trackson T2 montrée précédemment. Notez le démarreur à essence.

Les firmes Trackson Company et Tractomotive Corporation furent des pionnières dans la conception et la fabrication de chargeuses hydrauliques, la première pour Caterpillar et la seconde pour Allis-Chalmers. Les besoins particuliers associés à la fonction de chargeuse (chenilles plus longues et suspension rigide pour plus de stabilité, entre autres) poussèrent les fabricants de tracteurs à acquérir les fabricants de chargeuses pour faciliter le développement d'engins intégrés. Caterpillar prit donc possession de Trackson en 1951 et Allis-Chalmers de Tractomotive en 1959. J. I. Case fit de même avec American Tractor Corporation (ATECO) en 1957. International Harvester, pour sa part, conclut des ententes avec Bucyrus-Erie durant les années 1940 et Drott Manufacturing Company en 1950.

Une chargeuse Tractomotive TS5 sur un tracteur Allis-Chalmers HD5G. La chargeuse TS5, introduite en 1946 pour le tracteur HD5, fut la première à utiliser des vérins hydrauliques pour le cavage du godet. Le tracteur HD5 adapté pour la chargeuse TS5 fut ensuite perfectionné et rebaptisé le HD5G en 1948. Le modèle HD5G fut remplacé par le HD6G en 1955. Tous les tracteurs Allis-Chalmers portant le suffixe «G» étaient spécialement adaptés pour la fonction de chargeuse.

Avec l'acquisition d'ATECO, Case ajoutait des tracteurs chenillés et des chargeuses à son catalogue. Le modèle 310E, comme celui-ci, fut introduit en 1961. Il s'agit d'une version améliorée du modèle 310 commercialisé en 1957.

Cette vidéo promotionnelle fut tournée par International Harvester au début des années 1950. On y voit un tracteur chenillé TD-9 équipé d'une chargeuse Drott. Notez le godet 4 en 1, inventé par Drott.

Avec l'acquisition de Lindeman Power Equipment Company en 1947, John Deere ajoutait une gamme de tracteurs chenillés à son catalogue. Ici, un tracteur John Deere 440 équipé d'une chargeuse modèle 831. Le tracteur 440 fut produit de 1958 à 1961.

La Cleveland Tractor Company fut acquise par Oliver Corporation en 1944. La transaction incluait la ligne de tracteurs chenillés Cletrac. Ces machines prirent alors le nom Oliver-Cletrac. Ici, un tracteur Oliver-Cletrac OC-3 équipé d'une chargeuse 3WI fabriquée par Ware Machine Works. Le nom Cletrac fut retiré au cours des années 1950. Oliver Corporation fut acquise à son tour par la White Motor Corporation en 1960. White cessa la fabrication des tracteurs chenillés Oliver en 1965.

Une chargeuse chenillée Massey-Ferguson MF2244. La chargeuse est fabriquée par Drott.

Seulement 50 tracteurs chenillés Two Star furent assemblés par Minneapolis-Moline, tous produit en 1958. Cette vidéo nous montre l'un d'eux, configuré en chargeuse, après qu'il eut été restauré par un collectionneur. 

La transmission hydrostatique
Les chargeuses chenillées à transmission hydrostatique apparurent durant les années 1970. Ce type de transmission remplace les embrayages de direction, la boîte de vitesses mécanique et les arbres d'entrainement par une pompe hydraulique à débit variable entrainée par le moteur à combustion interne et deux moteurs hydrauliques reliés à chacune des chenilles. Sur les machines conventionnelles, il fallait désembrayer et bloquer une des chenilles pour faire tourner l'engin. Avec une transmission hydrostatique, il est possible de faire varier le débit d'huile, donc la vitesse, de chacune des chenilles de façon indépendante. On peut ainsi effectuer un virage avec la puissance du moteur appliquée aux deux chenilles en même temps. Un simple manche à balai peut être utilisé pour contrôler le déplacement de la machine et un second manche pour la flèche et le godet. La firme JCB du Royaume-Uni fut la première à commercialiser une chargeuse chenillée à transmission hydrostatique en 1971. La plus grande flexibilité permise par ce genre de transmission lors de la conception permet de déplacer le moteur à l'arrière de la machine, créant ainsi un contrepoids naturel.

On voit ici une chargeuse JCB 110. Ce modèle, introduit en 1971, est un pionnier de l'entrainement hydrostatique.

Introduite en 1975, la chargeuse chenillée JD755 fut parmi les premières machines John Deere équipée d'une transmission hydrostatique.

Les origines de la firme allemande Hannoversche Maschinenbau AG (Hanomag) remontent à 1835. Hanomag fut un fabricant d'engins à vapeur pour l'agriculture, de locomotives, d'engins de chantier, de voitures et de camions. La division d'engins de chantier fut vendue à Massey-Ferguson en 1974. Massey-Ferguson vendit ensuite Hanomag au holding IBH en 1980. L'entreprise connut plusieurs mésaventures avant que Komatsu devienne actionnaire majoritaire en 1989. Komatsu acquerra finalement la totalité des parts de l'entreprise en 2002. On voit ici une chargeuse chenillée Hanomag K8.

La division d'engins de chantier d'International Harvester fut acquise par Dresser en 1982. La chargeuse 200, comme celle-ci, fut produite de 1988 à 1991 et fut la seule chargeuse à transmission hydrostatique produite par Dresser. Dresser conclut un partenariat à parts égales avec Komatsu en 1988. Dresser vendit finalement ses parts à Komatsu en 1994.

Bien que l'excavatrice hydraulique et la chargeuse sur roues aient remplacé la chargeuse chenillée sur la plupart des chantiers, cette dernière occupe aujourd'hui un marché de niche. Sa capacité à se mouvoir sur les sols meubles et la possibilité d'utiliser d'autres outils à la place du godet (fourches, pinces à grume, benne preneuse) en font un excellent engin de manutention. La chargeuse sur chenilles est aussi une favorite chez les entrepreneurs en démolition : l'acier d'armature dans les débris ne risquant pas de causer de crevaison.

Toutes les machines fabriquées par la firme allemande Liebherr, et ce depuis son entrée dans le secteur des engins de chantier dans les années 1980, sont à transmission hydrostatique. On voit ici une vidéo promotionnelle du modèle LR636.

Ici, une démonstration des modèles 953K, 963K et 973K de Caterpillar. Comparez l'opération de ces machines (ainsi que celle de la Liebherr LR636 montrée plus haut) avec la chargeuse Trackson T2 au début de cette page.



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Développement et évolution de la chargeuse
Deuxième partie ; la chargeuse sur roues




Dernière mise à jour : 19 août 2019

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